« JE SUIS UN BÉNÉVOLE !»
L’ancien Président du Comité Olympique International, Jacques Rogge, déclarait aux 60'000 volontaires opérant aux JO d’Athènes 2004 : « Sans vous, les bénévoles, il n’y a pas de Jeux olympiques ! ». Vingt ans plus tard, pour Paris 2024, ils étaient 300'000 à postuler !
Cet enthousiasme doit faire rêver toutes celles et ceux qui, dans notre République, tentent de recruter des volontaires pour prendre soin de personnes âgées, seules, ou encore dans la précarité. Ce type de bénévolat ne ferait-il plus recette ?
Conscient du fait, Sven, 25 ans, souhaite venir en aide à ces personnes « afin de renforcer le lien intergénérationnel dans le canton de Neuchâtel » dit-il. Il a sa recette.
Nous l’avons rencontré.
AVIVO : Le bénévolat ne fait plus recette. Sociétés, associations, clubs font aujourd’hui la douloureuse expérience du difficile recrutement de volontaires. Les acteurs de la santé, de la retraite éprouvent les mêmes difficultés. Quel est votre regard sur ce phénomène ?
Sven : « Nous vivons dans un monde où les gens sont prisonniers d’un tourbillon, balancés entre le travail, les déplacements, les obligations de la vie quotidiennes et n’ont que très peu de temps libre à leur disposition. Ou alors le peu d’espace qu’il leur reste sont consacrés à leur temps de repos. C’est justement l’opportunité de montrer l’exemple et d’apporter mon soutien aux personnes âgées qui font face à de la paperasse qui s’accumule ou d’un ordinateur qui leur fait perdre énormément de temps."
AVIVO : Quelle a été le chemin que vous avez parcouru pour aboutir, finalement, à votre choix du bénévolat ?
Sven : En 2018, après mes études, menées à la fois en français et en allemand, j’ai vécu à Berne pour y suivre une année de stage auprès de la Confédération. Dans un premier temps, j’ai habité seul dans une résidence. La solitude ne me dérange pas, je l’apprécie. En revanche, j’avais envie de tester une nouvelle expérience qui sortait des sentiers battus. L’idée m’est venue alors d’envisager une sorte de partenariat, en sollicitant un toit, un hébergement, en contrepartie de services que mes compétences pouvaient offrir à celle ou celui qui accepterait de m’accueillir. Ce qui m’attirait plus particulièrement, c’est de vivre un échange de culture, de m’imprégner d’un mode de vie qui n’était pas le mien, de manière à en profiter à mon retour à Neuchâtel.
J’ai notamment eu le privilège, la chance de partager la vie d’une famille jamaïcaine et de vivre, je vous l’avoue, un contraste assez saisissant entre leur mode de vie et celle qui était la mienne. Ces moments de partage m’ont convaincu de poursuivre ce type d’expérience, dès mon retour.
Ma sœur m’a précédé dans ce choix de vie. Pendant trois années, elle a partagé son quotidien avec des personnes âgés, en couple, ou seules, souvent atteintes dans la santé.
Malgré les difficultés qu’elle a traversées, les sacrifices consentis, son modèle m’a inspiré et conforté dans ma décision de tenter cette expérience. Ce sont ces valeurs humaines que je compte apporter aux personnes qui le souhaitent, en contrepartie du ‘toit’ qu’elles seraient prêtes à m’offrir.
AVIVO : Avec, en poche, une maturité gymnasiale bilingue, un Bachelor en économie d’entreprise, le monde des affaires, de la finance, du marketing semble tout dessiné pour vous. Or, vous tentez une démarche originale, en proposant vos services, votre expertise aux personnes âgées qui en manifestent le besoin, un service gratuit, assorti toutefois d’une contre-prestation ; le logis. Pourquoi ce choix ?
Sven : « J’ai 25 ans, sans charge de famille, c’est le moment pour vivre une telle expérience, de faire ces découvertes, pendant une année, voire plus. Puis plus tard, tenter de les partager avec mon entourage, avec l’espoir de susciter d’autres vocations. Qui sait ! Je constate également qu’il n’existe, malheureusement, que trop peu d’initiatives de ce type pour favoriser les contacts entre les générations.
AVIVO : Que souhaitez- vous offrir aux personnes qui vous sollicitent ? Des prestations que les acteurs en place n’offrent pas ? Quels sont vos suggestions qui se démarquent des actions existantes aujourd’hui ?
Sven : « Il y a de nombreuses situations dans lesquelles certaines personnes âgées sont totalement perdues. Pour parfois de petits détails a priori anodins pour nous, mais qui peuvent prendre des proportions inattendues, lorsqu’on ne sait pas, on ne connaît pas quel bouton presser, quelle réponse donnée, comment remplir un formulaire. Ces personnes n’ont alors que le choix de faire appel à de l’aide extérieur. A des professionnels. Cela coûte parfois des sommes importantes pour les budgets les plus modestes. C’est dans ces cas de figure que je propose mon aide. C’est un accompagnement au quotidien pour apporter des solutions, remettre de l’ordre dans les dossiers administratifs, soulager et rassurer ces personnes.
Il y a également un autre facteur important qui a motivé mon choix, c’est la solitude dans laquelle vivent certaines personnes âgées. Ne pas adresser la parole à la moindre personne, toute une journée, est une épreuve difficile à vivre.
A ce propos, j’observe que ce phénomène de solitude se rencontre et souvent de façon plus aigüe chez les jeunes, chez les adolescents. Pour d’autres raisons, bien évidemment, mais il faut garder cette réalité à l’esprit.
AVIVO : Le cadre administratif tracé par le législatif et dans lequel s’exerce le soutien, la protection des personnes âgées, suffit-il aujourd’hui ?
Sven : « Il y a des initiatives que je salue. Mais à mes yeux, les mesures plus ciblées, plus personnalisées font encore défaut. Manquent également un plus grand nombre de personnes compétentes. Il y a d’admirables volontaires, mais démunis devant les problèmes qu’on leur demande de résoudre. Ils devraient être mieux préparées. Un suivi plus soutenu des personnes prise en charge manque également.
Je vis ces situations au quotidien car je travaille actuellement au Département de la Santé du Canton de Neuchâtel, avec pour principales activités les dossiers financiers en relations avec les EMS, les soins à domicile. Ce travail me permet d’avoir un contact, une emprise
directe avec les réalités démographiques. Dans ce contexte, notre but consiste à garder le plus longtemps possible les personnes âgées dans leur domicile et j’insiste pour des raisons au-delà de la stricte finance, mais pour le bien être général de tous les seniors. C’est dans ce contexte de vie à domicile que s’inscrit ma démarche de soutien à ces personnes.
***
